Cab Architectes Jean-Patrice Calori, Bita Azimi, Marc Botineau
Maître D’ouvrage Délégué : Sivom Du Val De Banquière ; Maître D’ouvrage : Ville De La Trinité
Pôle Petite Enfance De La Trinité
La Trinité (06), 2011
CAB ARCHITECTES
Calori
Jean-Patrice
-Crèche (sections petit, moyens, grands, salle d’activités)
-Crèche familiale
-Lieu d’accueil enfants /parents
-Relai assistantes maternelles
-Centre de formation
-Parking personnel
SHON =1287 m2
FRANCOBAT (gros-œuvre), CBC (terrassements) HEAVEN CLIMBERS (soutènement), SERI (étanchéité), CHIRI (menuiseries métalliques), CLIBAT (cloisons, doublages, faux-plafonds, peinture, signalétique), LEON GROSSE (menuiserie bois), SORESPI (sols coulés),
PROLUDIC (jeux extérieurs), CIEL (ascenseurs), JP FAUCHE (courants forts et faibles), MULTITEC (plomberie, CVC), LCI (cuisine), ISS (espaces verts), CBTP (VRD)
ARTEMIS, TURRA, ENERSCOP
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LIEN
Entre l’hypermarché et le cimetière sculpté dans la colline, il y avait une villa niçoise encaissée dans un jardin ancien. Derrière la villa, le terrain formait quelques restanques sous la route. Le projet du pôle « petite enfance » s’installe en fond de ce jardin, et forme soutènement à la voie en amont. C’est le départ d’une suture sur la ville de la Trinité. L’équipement devient le déclencheur d’une nouvelle géographie urbaine. Projet relai entre le haut et le bas, dispositif urbain, il met en relation des éléments disparates et atones. A la fois bâtiment et scénographie le projet révèle une topographie, un paysage : il cadre, règle et oriente les directions importantes du regard. Ouvrage à butons, il s’adosse, s’appuie, mais aussi forme socle à la colline. S’insérant dans une situation préexistante, il en redéfini une géométrie génératrice de l’ensemble de la composition. Il réinstalle un cheminement naturel depuis le boulevard et créé le lien avec le parking du centre commercial. La promenade prend la forme d’une sorte de tapis cranté et draine qui veut le traverser, la maman ou le flâneur. Des escaliers successifs dessinent des languettes vers le jardin, pour lire ou rêver à l’ombre de murs épais. Puis on monte des emmarchements vers le parvis de la crèche, pour accéder à l’équipement ou poursuivre l’ascension vers le chemin de l’Olivaie. Face à nous la galerie d’entrée est baignée de lumière. Générateur urbain, il est aussi générateur de sa propre pratique interne.
STRATES
Comme un pli du terrain, un drapé au pied de la colline, le projet créé ses interstices comme autant de possibles. Le réglage du nivellement fut au cœur de la réflexion. Deux plateaux programmatiques se superposent et ménagent une toiture réservée aux véhicules du personnel. Cette dalle est plus basse que la route afin de préserver un cône de vue vers le jardin en contre bas et la vallée. Le rez-de-chaussée de l’équipement est légèrement surélevé par rapport au square public pour conserver un rapport clair au boulevard en aval. Les plateformes se projettent en façade par des porte-à-faux de trois mètres de profondeur qui protègent la cour et la coursive de l’étage. Ces auvents se retournent en bandeaux épais qui soulignent et délimitent chaque niveau. L’horizontalité, très marquée, fait écho aux murs de restanques disparus. A la stratification horizontale correspond un séquençage vertical par le biais de noyaux servants, formants à la fois trame porteuse et blocs de service. Ils encadrent les espaces nobles, les différentes sections : nul poteau isolé, la structure se fait espace. Certaines de ces matrices s’extraient de la superposition des niveaux pour émerger en toiture, telles des propylées modernes. Ces bornes marquent l’espace vital du projet, comme un pied de nez aux géantes voisines et leurs pignons indigents. Un autre noyau curse le long du parvis pour mettre à l’abri des regards la cour de la crèche. Ce jeu de glissements verticaux ou horizontaux contrebalance le calme hiératique de cet ensemble de pleins qui font naitre les vides.
MILIEU
A la mise en relation des lieux à l’échelle de la ville correspond une mise en relation systématique des différents milieux à l’intérieur du projet. Cette topologie se retrouve aussi bien dans les liaisons verticales que dans les continuités horizontales. A la superposition physique des deux niveaux, correspond la superposition fonctionnelle (crèche au rez-de-jardin / administration, formation et crèche familiale à l’étage). Le lien vertical est réalisé par un vide éclairé zénithalement qui unit côté Nord dans le même espace les éléments de programme. Par cet atrium, on perçoit à la fois la dimension de l’excavation, la hauteur du bâtiment, son échelle : il a aussi un rôle de circulation majeur dans l’équipement. Le vide met en évidence le rapport particulier à la pente mis en place dans le projet. Par les jardinières suspendues, par l’ampleur de l’espace, on a revisité le dispositif de l’étonnant jardin d’hiver de l’hôtel Riviera Palace à Beausoleil, où l’arrière du bâtiment est autant, sinon plus attractif que sa façade sud. Grace à ce volume généreux, on capte la lumière de l’après-midi, qui fait renaitre le cœur de l’équipement à l’heure où les façades sud s’éteignent doucement. La relation sol /ciel est complétée par la relation intérieur/extérieur fluide et naturelle. Les grands murs vitrés, qui s’inscrivent justement dans la trame, coulissent et disparaissent dans des galandages derrière les trumeaux en béton. Leur effacement dilate totalement l’espace des sections Les deux parallèles du continuum sol/plafond, à peine atténué par les baies aux profilés invisibles, génèrent le glissement. Côté atrium les portes vitrées, accompagnées de fins volets pivotants dispensent la clarté sous la verrière : le fil ainsi n’est jamais rompu. La matérialité du projet vient accompagner les cheminements et l’enchaînement des espaces : béton lisse ou texturé contre terre, volets intérieur, casiers, tables à langer en bois de sycomore. La matière souligne l’usage.
Accueil : des casiers en bois, des petits bancs en béton, des sous-espaces dans le volume de la verrière participent à la mise en place d’une échelle plus intime.
Sommeil, hygiène : les espaces de repos dans les noyaux structurels sont clos par des demi-volets qui modulent ainsi lumière et permettent des scénarios de surveillance multiples. Les espaces à langer sont positionnés au centre des sections, dans des volumes habillés de bois, permettant une attention sans obstacle aux mouvements des enfants.
Proche d’une écriture infrastructurelle, par sa toiture à l’usage de parking et son apparence de socle habité, la plastique de ce projet s’appuie sur les qualités que procure un béton coulé en place savoir, « contemporanéité et archaïsme ». Issu du sol, né du terrain, cet édifice trouve donc très logiquement sa matérialité par la minéralité du béton. Des noyaux servants portent dalles et larges bandeaux en porte à faux sur 3 mètres. Ce dispositif fabrique une large coursive, prolongement des espaces intérieurs de la crèche, protège de la pluie et des apports solaires les larges parois vitrées coulissantes qui s’effacent dans les voiles des noyaux. Une pergola en poutres béton, en encorbellement elle aussi, créé de l’ombre sur le parvis. Un ferraillage renforcé a été nécessaire pour la réalisation de celle-ci. Un des enjeux de cet édifice était la parfaite géométrie des éléments coulés : alignements, rectitude… Une technique particulière a été mise en œuvre pour obtenir des sous-faces en béton. Des pré-dalles sont coulées en place et par des connecteurs se trouvent suspendues aux dalles principales. L’espace entre ces éléments est constitué par du polystyrène.
Intégralement coulé en place, des outils spécifiques en coffrage acier ont été assemblés pour un coulage en une levée des noyaux porteurs. Le béton est resté au séchage 7 jours pleins avant d’être décoffré : lors du démoulage, il avait un très bel aspect marbré et par son temps de séchage protégé par son sarcophage métallique, il n’a absolument pas fissuré. Pour un rendu velouté, tous les outils de coffrage ont été habillés d’une double peau de contre-plaqué elle-même entièrement calepinée selon un module spécifique. Ce calepinage redessine toutes les parois. Enfin, dans la galerie atrium, a été réalisé contre terre un mur de 10 mètres de haut en béton de planches, signalant ainsi le rapport tectonique à l’excavation. La formule de béton a été choisie après plusieurs tests, mais n’a pas bénéficié de recherche particulière car nous souhaitions un béton qui puisse témoigner de sa « normalité brute ». L’entreprise qui n’avait jamais réalisé d’ouvrages en béton apparent a fait preuve d’un état d’esprit remarquable, d’une attention de tous les instants pour tendre à l’excellence. Les imperfections apportent une dimension supérieure, humaine, à cet ouvrage.
Aldo AMORETTI , Serge DEMAILLY